Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blog du Professeur Golb
10 août 2004

un moment de détente

"Tiens! me dis-je, ce soir, je vais lire un livre".

Je m'approche de la bibliothèque et tête inclinée, je me contorsionne péniblement pour inspecter les tranches. Certains titres sont écrits à l'envers, tant pis pour eux.
Du bout du doigt, de la troisième rangée, j'extirpe Perceval de Chrétien de Troyes.
"Celui-ci, pensai-je, je l'ai acheté il y a 9 ans, mais je n'ai jamais eu le temps de le lire en entier".
Sa couverture présente une enluminure du quatorzième siècle : autour d'une table nappée de blanc sont assis neuf personnages vêtus de pourpre et d'émeraude, dont quatre sont couronnés et s'expriment par gestes. Cette image m'évoque bien l'atmosphère des Chevaliers de la Table Ronde.
Je retourne le livre, "chevalier… preuve… demoiselle… cœur… batailler… défendre… l'embrasse… accepte… nuit… matin… jusqu'à l'aube.", l'accroche est prometteuse.
Je m'installe confortablement allongé sur le canapé et j'ouvre Perceval.
"Collection… Préface… page 9… 13… 27… page blanche où est écrit au centre, Perceval ou le Roman du Graal, ah, voici le début :
"Qui sème peu récolte peu. Celui qui veut belle moisson…", j'aperçois plus bas quatre paragraphes, chacun rempli de mots, "… jette son grain en si bonne terre…", chaque mot contenant plusieurs lettres de l'alphabet, "… que Dieu lui rende deux cents fois, car...", je me dis que c'est quand même incroyable d'avoir la patience de lire chaque lettre l'une après l'autre, quand on pense au nombre de lettres imprimées dans le livre entier.
Je me surprends à feuilleter les pages suivantes, que dis-je, à dévorer la suite, page 49… 73… 105… 141… 167… 201… 218… "C'est sur ces mots que se termine l'œuvre de Chrétien de Troyes, interrompue sans doute par la mort de l'écrivain." L'auteur est donc mort avant d'avoir terminé son histoire, quel dommage.
Je tourne la page, "Les auteurs de la présente traduction ont pensé qu'il était utile de faire connaître la suite de l'histoire…" et en effet, une page plus loin, l'histoire reprend :
"La reine Guenièvre, épouse du roi Arthur, la voyant ainsi faite, lui demande ce qui arrivait…", je continue, page 265… 279… 323… 357… "Ci-gît Perceval le Gallois qui acheva les aventures du Graal." Incroyable, bien après son auteur, le héros meurt à son tour.

Je referme le livre et le sous pèse : quelques grammes de papiers et des millions de petites lettres imprimées. Je regarde la bibliothèque pleine d'autres livres, de mots, de lettres, d'encre et de papier, et je me dis qu'il ne faudrait jamais que ça prenne feu, car je tiens quand même beaucoup à cette bibliothèque. Je range alors Perceval dans son emplacement resté intact.

Rien de plus reposant qu'une bonne soirée de lecture. Un jour, sans doute , je lirai à nouveau Perceval, et j'y découvrirai de nouveaux détails qui m'auront échappé…

Publicité
Commentaires
P
Ah ! Ben ça, c'est une excellente méthode pour faire durer un livre très longtemps, tiens !<br /> Merci, Pr. Golb, vous êtes trop fort, quoique pas très littéraire (mais on s'en doutait un peu...)
Publicité